Le procès joint d'Elizaphan Ntakirutimana âgé de 77 ans, ancien pasteur de l’Eglise adventiste du 7ème jour et de son fils, Gérard, 43 ans, ancien médecin, qui tous deux exerçaient dans le complexe religieux et hospitalier de Mugonero, s’est ouvert aujourd’hui devant la Chambre de première instance I du Tribunal pénal international pour le Rwanda. L’idéologie du Génocide a trouvé un écho favorable au sein des églises d’après le Procureur, ce qui explique qu’il y ait eu plus de morts dans ces lieux de culte que partout ailleurs. La Défense a de son côté soutenu que les charges contre les accusés étaient sans fondement.
Elizaphan et son fils sont coaccusés de génocide ou subsidairement de complicité de génocide, entente en vue de commettre le génocide, et crimes contre l’humanité.
Lors de sa présentation liminaire devant la Chambre de première Instance I composée des Juges Erik Møse, Président de Chambre, Navanethem Pillay et Andrésia Vaz, M. Charles Adeogun-Phillips, représentant le Procureur a expliqué comment les deux accusés avaient livré leurs collègues Tutsis aux tueurs, avaient refusé de donner refuge à ceux qui étaient pourchassés, et avaient eux-mêmes contribué à l’accroissement des tueries dans la Préfecture de Kibuye.
D’après Adeogun-Phillips, les témoins apporteront la preuve que les accusés sont des prédateurs. Ils évoqueront l’état de choc et de bouleversement dans lequel la trahison des accusés les a plongé. Ils leur faisaient confiance et pensaient qu’ils étaient de «bons chrétiens». Anticipant les violences, certains Tutsis emmenèrent les femmes et les enfants chercher refuge dans le Complexe de Mugonero. Dès leur arrivée les accusés organisèrent les tueries et y participèrent. Des tueries similaires auraient eu lieu par la suite à l’église de Murambi et sur les collines de Bisesero.
Pour le Procureur les dépositions de plusieurs témoins porteront aussi sur le fait qu’ils pensaient que le Pasteur et son fils useraient de leur influence pour les protéger contre les attaques. Sept Pasteurs Tutsis auraient de leur côté écrit au Pasteur Elizaphan pour demander son intervention : « Nous souhaiterions vous informer que nous avons appris que demain, nous et nos familles seront tués. Nous vous demandons donc d’intervenir en notre faveur et de parler au Maire ». D’après le Procureur la réponse du Pasteur consistait en une brève et cruelle lettre dans laquelle il disait : « il n¢y a rien que je puisse faire pour vous. Tout ce que vous pouvez faire c’est de vous préparer à mourir quand votre heure sera venue ».
Dans leur déclaration liminaire respective, les Avocats des deux accusés, Ramsey Clark ancien attorney general (ancien ministre de la Justice) des Etats Unies répresentant Elizaphan Ntakirutimana et Edward Medvene du Barreau de Californie pour Gérard Ntakirutimana, ont tous deux soutenu que les accusés n’avaient participé à aucune sorte de violence, qu’ils étaient de bons croyants et qu’ils n’auraient même pas pu assister à ce dont on les accuse.