Réponse du Greffe aux allégations faisant état de violations graves et répétées des droits de la Défense
ICTR/INFO-9-3-15
janv. 29, 2004
Le Greffe a reçu des avocats de la défense un document daté du 27 janvier 2004, qui leur a servi de fondement à une grève qu’ils ont commencée hier. Ledit document n’émane pas de l’Association des avocats de la Défense devant le TPIR (ADAD), laquelle est une organisation reconnue par le Greffe et habilité et à intercéder en faveur des avocats de la défense pour toutes questions qui se poseraient.
Dès réception du document, le Greffe a écrit à l’ADAD pour s’enquérir du lien éventuel de cette dernière avec ce groupe. Le Président a tenu une réunion regroupant les représentants de la Défense et du Greffe. Les représentants de la Défense y ont déclaré que leur groupe comprend tous les avocats de la Défense présents à Arusha membres comme non membres de l’ADAD, et que l’existence du groupe ne couvrirait que la durée de la grève. Ils ont reconnu n’avoir jamais, en tant que groupe, communiqué avec le Tribunal pour ce qui est des questions énoncées dans la lettre du 27 janvier 2004 et communiquées et à la presse et au Tribunal.
Lors de la réunion susmentionnée, le Greffe s’est déclaré disposé à examiner les préoccupations énumérées par les avocats de la Défense, à condition qu’il soit mis fin à la grève, étant donné que les questions soulevées n’avaient pas été discutées au préalable avec le groupe. Les représentants de ce dernier ont indiqué que le mandat qu’ils avaient reçu de leurs confrères était limité, ce qui ne leur permettait pas d’arrêter la grève envisagée. Le lendemain, les avocats de la Défense ont décidé de poursuivre la grève.
Ayant examiné les préoccupations soulevées dans le document, le Greffe fournit les éléments d’information suivants.
Le statut des assistants juridiques et des enquêteurs. Cette question revêt deux aspects :
- Les avocats de la Défense ont toujours demandé au Greffe de mettre les assistants juridiques et les enquêteurs de la Défense sur un pied d’égalité avec les avocats vis-à-vis de leurs clients. Ceci leur ouvrirait un accès sans entrave au quartier pénitentiaire et instaurerait en leur faveur le secret des communications avec les accusés.
Le Greffe a toujours rappelé que, conformément aux réglementations pertinentes gouvernant le TPIR, le statut de conseil et le secret des communications entre avocat et client s’appliquent uniquement au conseil principal et au coconseil. Les avocats de la Défense ont contesté cette question devant les différentes Chambres, lesquelles ont dans chaque cas confirmé la position du Greffe. Les juges et le Greffier ont toutefois indiqué que, lorsque le bien-fondé leur en est démontré, les assistants juridiques et les enquêteurs peuvent avoir accès aux clients en l’absence du conseil et cela s’est déjà produit à quelques reprises. Les avocats de la Défense sont encouragés à faire des demandes spécifiques dans de telles situations.
- Le second aspect a trait à la présence à Arusha des enquêteurs de la Défense pendant le procès. Les avocats de la Défense font valoir que le travail des enquêteurs englobe des tâches à accomplir pendant le procès, et en particulier pendant la comparution des témoins à charge décrivant des faits.
La position du Greffe est que les enquêteurs de la Défense sont recrutés pour accomplir un travail spécifique sur le terrain, à savoir recueillir des informations pour la Défense et rendre compte au conseil principal. Ils ne sont pas employés pour traduire des documents du kinyarwanda ou en kinyarwanda. Ils ne sont même pas autorisés à être avec ceux qui travaillent officiellement à huis clos pendant le procès. Lorsqu’ils ont eu l’occasion d’être présents, ils étaient assis dans la tribune. D’ailleurs, leur présence dans la salle d’audience a suscité des inquiétudes chez les témoins à charge protégés et pour le Greffe eu égard aux ordonnances décernées par le Tribunal et prescrivant des mesures de protection, le risque de défaillance du dispositif de sécurité étant toujours présent. Les enquêteurs de la Défense ne devraient donc pas être présents à Arusha pendant les sessions. Le conseil principal, le coconseil, l’assistant juridique et les accusés sont en mesure de faire face aux questions découlant de la déposition des témoins à charge dont les déclarations ont par ailleurs été préalablement communiquées à la Défense. Et lorsqu’il y a eu des éléments de preuve nouveaux, qui pourraient avoir pris la Défense de court, les diverses Chambres ont statué en mettant en place des garanties suffisantes pour protéger ses intérêts. En tout état de cause, même lorsque des enquêtes supplémentaires de la Défense s’avèrent indispensables, on ne voit pas comment il serait envisageable de les mener à Arusha. Il y a lieu de faire observer que la pratique en matière pénale dans les principaux systèmes pénaux du monde n’exige pas la présence des enquêteurs aux procès, à moins que ce ne soit pour témoigner. La pratique au TPIY est encore plus stricte : seuls le conseil principal et le coconseil et parfois les assistants juridiques sont admis au Tribunal. Les avocats de la Défense ont toute latitude de contester cette pratique en adressant une requête au TPIR. Le Greffe se conformera à toute décision que le Tribunal prononcerait.
Les conseils de la Défense allèguent aussi que leurs horaires de travail sont rejetés ou réduits par exemple caractère inapproprié ou forclusion, pour autant de motifs inacceptables. Ils sont préoccupés par le fait que les voyages à destination d’Arusha pendant la phase préalable au procès soient réduits à trois au maximum. Enfin, ils se plaignent que, lors du prononcé du jugement, seule la présence du coconseil soit autorisée. Tous ces problèmes auraient affecté les droits des accusés à une défense effective et totale.
La position du Greffe est qu’il n’est pas possible de dépenser sans compter les fonds consacrés à l’assistance judiciaire. À la fin de l’année, le Greffe doit rendre compte à l’Assemblée générale des Nations Unies de la façon dont ces Fonds ont été utilisés. Il doit démontrer que le montant dépensé a été raisonnable et nécessaire à la Défense des accusés réputés indigents. Il faut que toutes les parties prenantes à cette question comprennent bien cette réalité. Il convient de faire remarquer que durant les exercices financiers 2000 et 2001, le Greffe a dépassé les crédits alloués au programme d’assistance judiciaire d’un montant de 3 539 493 et 7 492 566dollars respectivement. Aussi l’Assemblée Générale a-t-elle adopté le 12 février 2003 la résolution 57/289 priant le TPIR de rédiger un rapport détaillé sur les dispositions modifiées visant à prévenir le dépassement des crédits alloués pour les avocats de la défense et à gérer, contrôler et maîtriser le budget du programme d’assistance judiciaire. Depuis l’adoption de cette résolution, le Greffe a, de manière transparente, informé l’ADAD et lui a transmis un document de synthèse concernant entre autres la réforme de l’assistance judiciaire. En tant qu’organe de l’Organisation des Nations Unies, le Greffe doit faire en sorte que le programme d’assistance judiciaire soit géré de manière strictement conforme aux règles et aux directives du Tribunal et conformément aux résolutions de l’ONU.
C’est vrai qu’à cet égard le Greffe a renforcé ses capacités de gestion, de suivi et de maîtrise des dépenses engagées dans le cadre du Programme d’assistance juridique en vue de ne couvrir que les dépenses raisonnables et nécessaires, ce qui entraînera inévitablement le rejet du travail jugé non raisonnable ou la réduction du travail aux seules tâches jugées opportunes. C’est également vrai qu’en général les conseils de la Défense n’ont droit qu’à un maximum de trois voyages à Arusha durant la phase préalable au procès. Le Greffe estime qu’au premier voyage, le Conseil de la Défense sera pleinement informé par son client et qu’à l’issue de leurs entretiens, ils seront en mesure d’élaborer une stratégie de défense. La communication de pièces et autres informations par le Procureur à la Défense pourrait créer la nécessité pour le conseil de rencontrer de nouveau son client pour clarifier ou affiner la stratégie de défense. Un troisième voyage est également prévu à cet effet. Le Conseil de la Défense a droit à deux réunions de coordination avec son équipe à Arusha. Mais étant donné que les conseils de la Défense viennent de pays aussi lointains que le Canada, la France, la Belgique et les Etats-Unis d’Amérique, leurs voyages à Arusha ne sauraient se déterminer sans contrôle au gré de leurs humeurs. À cet égard, le Greffe a émis une circulaire le 13 septembre 2000 que les conseils doivent connaître. Il convient de relever que cette règle de la maîtrise des dépenses n’est pas rigide. Un autre voyage peut être autorisé si sa nécessité est établie.
S’agissant de la présence du Conseil principal et du co-conseil à l’audience où le jugement est rendu, le Greffe ne la juge pas nécessaire ou raisonnable. À cette audience, la Chambre de première instance ne donne que la lecture du résumé du jugement, étant entendu que seul le texte intégral du jugement, qui sera disponible plus tard, est authentique et constitue le document qui fait foi. De plus, le conseil ne fait absolument rien d’autre que de s’asseoir, écouter et consulter son client après le prononcé du jugement pour examiner les mesures à prendre. Ce travail ne nécessite pas le déplacement du conseil principal et du co-conseil. Toutefois, si les conseils estiment résolument que leur position sur cette question est fondée, il leur est loisible de saisir le tribunal d’une requête en vue d’une décision que le Greffe appliquera.
La troisième préoccupation concerne le règlement des frais juridiques. Les conseils de la Défense s’opposent au contrôle de leurs factures par le Greffe. Ils estiment que le Greffe n’y a aucun droit de regard, que le contrôle constitue une ingérence inopportune dans l’indépendance du conseil et porte atteinte à la confidentialité qui règne entre celui-ci et son client. Ils font également valoir que le contrôle de leurs factures signifie une présumption de fraude à l’égard des conseils de la Défense qui n’ont pas le temps de se conformer à ces exigences bureaucratiques.
Le Greffier rappelle que les dispositions pertinentes de la réglementation du Tribunal de céans lui confèrent la responsabilité de déterminer les suspects/accusés indigents, de commettre des conseils à leur défense et de décider des modalités de paiement desdits conseils pour leur travail. Le Greffier ne saurait être un observateur désintéressé devant se contenter de régler toutes sortes de factures sans en contrôler la validité. Le rôle du Greffe ne porte nullement atteinte à la confidentialité des rapports entre le conseil et son client. Le Greffe est un organe neutre au service de toutes les parties prenantes au tribunal. Le Greffier n’entend pas renoncer à ses responsabilités. C’est une question de principe et de responsabilité. Mais le Greffe ne verrait aucune objection à ce que les conseils sollicitent une décision sur la légalité de ce qu’il considère comme étant sa fonction légale.
Enfin, les conseils de la Défense s’inquiètent des mesures de contrôle instituées au Centre de Détention des Nations Unies. Ils se plaignent d’être soumis au contrôle électronique, à l’examen minutieux de leurs documents, à la fouille corporelle et d’être obligés de laisser leurs effets personnels à une consigne à l’entrée du centre. Ils estiment que ces mesures n’ont pas d’équivalents dans les pays démocratiques et constituent une atteinte à leur dignité.
La position du Greffe est que les mesures appliquées au Centre de Détention à tous les visiteurs sont des mesures standard et sont nécessaires pour y assurer la sécurité et l’ordre. Elles veillent à ce qu’aucun objet indésirable ne soit frauduleusement introduit dans le Centre de détention. Le système de surveillance qui recourt à d’autres méthodes de contrôle vise à détecter des choses tel que l’argent liquide. C’est un constat que l’année dernière, la fouille des cellules a découvert divers montants de sommes en devises et des objets dangereux et interdits. Le Greffe entend veiller à ce que le Centre de Détention des Nations Unies observe de normes internationales acceptables. Toutefois, sans compromettre la sécurité du Centre de Détention des Nations Unies et compte tenu des dispositions de l’article 97 (B) du Règlement de Procédure et de Preuve, le Greffe est prêt à examiner l’allègement des modalités pratiques du contrôle en vue de supprimer la fouille corporelle des conseils principaux et des co-conseils.
Enfin, le Greffe voudrait relever que toutes les préoccupations soulevées par les conseils de la Défense sont des préoccupations qui auraient pu se régler par le recours aux procédures établies pour le règlement des différends prévus dans la Directive sur la Commission des conseils d’office et qui prévoient la soumission des doléances au Président du Tribunal ou au Groupe consultatif ou effectivement aux différentes chambres de première instance devant lesquelles les conseils de la Défense plaident leurs causes.