La Chambre d’appel du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), siégeant à La Haye a considéré que de nouveaux faits qui lui ont été présentés atténuent la portée de certains manquements du Procureur ainsi que la gravité des violations des droits de Jean Bosco Barayagwiza. En conséquence, la réparation ordonnée par la Chambre d’appel dans son arrêt du 3 novembre 1999, à savoir le rejet de l’acte d’accusation et la remise en liberté immédiate de Jean Bosco Barayagwiza paraissent actuellement disproportionnés par rapport aux circonstances et doivent être révisés.
Dans sa décision révisée ce jour, la Chambre d’appel rejette la demande de mise en liberté de l’appelant et décide que si l’appelant est jugé non coupable, une réparation financière lui sera due et s’il est déclaré coupable, sa sentence sera réduite pour tenir compte de la violation de ses droits.
Parmi les faits nouveaux, la Chambre d’appel a trouvé que Jean Bosco Barayagwiza connaissait la nature des accusations portées contre lui au moment des audiences devant les juridictions camerounaises, 18 jours seulement après son arrestation. Il apparaît, par ailleurs, parmi les faits nouveaux, que suite à la demande de transfert du Tribunal, le Cameroun n’était pas prêt à s’exécuter avant le 24 octobre 1997. La Chambre d’appel constate donc que les retards à ce niveau de la procédure ne relèvent pas de la responsabilité du Procureur.
Concernant les retards intervenus entre le transfert de Jean Bosco Barayagwiza au quartier pénitentiaire du Tribunal à Arusha et sa comparution initiale devant le Tribunal le 23 février 1998, il est apparu que l’avocat de Jean Bosco Barayagwiza était d’accord pour fixer la comparution initiale au 3 février 1998. Le retard s’élèverait donc à seulement 20 jours et non 69 jours, ce qui avait motivé l’arrêt antérieur de la Chambre d’appel. Ces nouveaux faits auraient eu un effet décisif sur l’arrêt du 3 novembre 1999 s’ils avaient été connus à ce moment-là.
Le Procureur du Tribunal, Madame Carla Del Ponte, avait demandé à la Chambre d’appel, composée des juges Claude Jorda, Président, Lal Chand Vohrah, Mohamed Shahabuddeen, Fausto Pocar, en vertu du Statut et du Règlement de Procédure et de preuve du Tribunal, de reconsidérer la décision du 3 novembre 1999 par laquelle elle rejetait l’acte d’accusation et ordonnait la remise en liberté de l’appelant.
La décision a été prise à l’unanimité par les cinq juges. Cependant, les juges Vohrah et Nieto-Navia ont chacun joint des déclarations, quant au juge Shahabuddeen, il a joint une opinion séparée concordante. Dans sa déclaration, répondant aux remarques faites par le Procureur durant l’audience de l’affaire, le juge Nieto-Navia a fermement insisté sur l’indépendance du Tribunal en tant qu’organe judiciaire international. « je réfute catégoriquement les allégations comme quoi, dans la recherche d‘une décision, les considérations politiques doivent jouer un rôle important ou être déterminant en vue de calmer les États et assurer la coopération pour accomplir les objectifs à long terme du Tribunal. Au contraire, en aucun cas, ces considérations ne devraient entraîner le Tribunal à compromettre son indépendance judiciaire et son intégrité ».