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Bagilishema acquitté

 

 
Selon la Chambre de Première instance I, le Procureur n’a pas pu établir la culpabilité de l’accusé au-delà de tout doute raisonnable.

Dans le premier jugement d’acquittement rendu par le Tribunal pénal international, la Chambre de première instance I devant laquelle comparaissait l’accusé Ignace Bagilishema l’a déclaré non coupable des 7 chefs d’accusation de génocide, crimes contre l’humanité et violations graves des Conventions de Genève retenus contre lui par le Procureur.

À l’unanimité, la Chambre composée des juges Erik Møse, Président Asoka de Zoysa Gunawardana et Mehmet Güney a déclaré l’ancien Bourgmestre de la Commune de Mabanza dans la Préfecture de Kibuye Ignace Bagilishema non coupable de crime de génocide et de violations graves des Conventions de Genève. Dans sa majorité, la Chambre, a trouvé l’accusé non coupable sur un chef d’accusation de complicité dans le génocide et sur trois chefs de crimes contre l’humanité (meurtre, extermination et autres actes inhumains). Le Juge Güney a exprimé une opinion dissidente. Le juge Gunawardana a émis une opinion séparée au jugement.

Après avoir examiné toutes les dépositions et preuves documentaires présentées durant le procès, la Chambre a conclu que les témoignages à charge étaient discordants et contradictoires. La Chambre a estimé que le Procureur n’a pas prouvé la culpabilité de l’accusé au-delà de tout doute raisonnable.

Selon l’acte d’accusation, l’accusé aurait, entre autres, tenu début avril 1994 des réunions durant lesquelles il aurait encouragé la population locale à tuer lesTutsis. Bagilishema aurait personnellement attaqué et tué des femmes, des hommes et des enfants, tous d’ethnie tutsie de la Commune de Mabanza dans laquelle ils cherchaient refuge. Bagilishema aurait aussi ordonné aux miliciens interahamwe de creuser une fosse commune dans l’enceinte du bureau communal de Mabanza et ordonné les massacres des réfugiés tutsis dans plusieurs endroits de la Préfecture de Kibuye. Bagilishema est accusé d’avoir, le 12 avril 1994, rencontré Kayishema l’ancien préfet de Kibuye en vue de perpétrer d’autres massacres. Kayishema a dans un autre procès été reconnu coupable de génocide et a été condamné à l’emprisonnement pour le reste de sa vie.

De son coté la Défense a soutenu lors de ce procès que Bagilishema a tenu des réunions de pacification pendant la période du génocide pour rétablir la sécurité à Mabanza.

La Chambre a estimé que les preuves corroboraient les arguments de Bagilishema selon lesquels il aurait agi afin d’éviter les massacres des tutsis et de rétablir la loi et l’ordre. Plusieurs témoins à charge n’ont pas pu établir la présence de l’accusé sur les lieux des massacres, ont donné des versions contradictoires et n’ont pas pu par ailleurs prouver qu’une réunion a bien eu lieu entre Kayishema et l’accusé. La crédibilité des témoins à charge dans ces allégations a été mise en doute. Un des témoins a même donné différentes versions sur le lieu où la supposée réunion se serait déroulée.

La responsabilité pénale individuelle pour les crimes allégués n’a donc pas pu être établie selon la Chambre. A propos de certaines allégations contre Bagilishema, “la Chambre a trouvé que les accusations de génocide du Procureur ne peuvent être retenues puisque la chambre n’a pas été convaincue de la présence de l’accusé lors de l’attaque durant laquelle les détenus tutsis furent tués ».

Ignace Bagilishema, 46 ans, a été arrêté le 9 février 1999 en République d’Afrique du Sud suite à un mandat d’arrêt délivré par le Tribunal. Son procès a débuté le 27 octobre 1999 et s’est achevé un an plus tard en octobre 2000. Le Procureur a cité 18 témoins et la Défense 15. Dans le cadre de cette affaire, les juges de la Chambre de première instance s étaient tous rendus à la Préfecture de Kibuye sur les lieux où se seraient déroulés certains des événements et pour mieux apprécier certaines preuves présentées lors du procès. C’était le premier transport sur les lieux effectué par une Chambre de première instance du Tribunal dans une affaire.

Dans son opinion dissidente, le juge Güney soutient qu’il est intimement convaincu que Bagilishema est coupable de complicité de génocide et de complicité de crimes contre l’humanité sur la base des preuves qui établissent la responsabilité individuelle de l’accusé.

En vertu de l’article 99(B), le Procureur a informé la Chambre lors de cette audience de son intention d’interjeter appel et a demandé le maintien de l’accusé en détention.

La Chambre a demandé au Greffier de ne pas exécuter l’ordre de libération en attendant qu’elle statue sur la requête du Procureur.

Dans une opinion individuelle disculpant l’accusé, le juge Asoka de Zoysa Gunawardana a considéré que Bagilishema a plaidé avec succès l’absence de moyens et de ressources pour prévenir la commission des atrocités dans la Commune de Mabanza et qu’il a maintenu la loi et l’ordre au mieux de ses capacités avec les ressources dont il disposait. Le juge Gunawardana s’est aussi appuyé sur les preuves fournies tant par le Procureur que par la Défense qui ont étayé l’alibi de l’accusé et montré que Bagilishema a agi en toute bonne foi pour protéger les Tutsis avant et après les massacres de 1994.
Ignace Bagilishema était défendu par les Avocats François Roux (France) et Maroufa Diabira (Mauritanie).

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