Alfred Musema, ancien directeur de l'usine à thé de Gisovu dans la préfecture de Kibuye à l'est du Rwanda, a été condamné à la prison à vie. L’ancienne Chambre de première instance I, composée des juges Lennart Aspegren, Président, Laïty Kama et Navanethem Pillay l'a reconnu coupable d’un chef d’accusation de génocide et de deux chefs d’accusation de crimes contre l'humanité. Il n'a pas été reconnu coupable de six autres chefs d'accusation sur les neuf qui avaient été retenus contre lui.
Lors de son réquisitoire, le Procureur avait soutenu qu'à plusieurs occasions durant les mois d'avril, mai et juin 1994, l'accusé avait transporté des hommes armés, dont des employés de l’usine à thé de Gisovu, à différents endroits, dans les communes de Gisovu et de Gishyita et leur avait donné l'ordre d'attaquer ceux qui étaient venus y chercher refuge. Il a aussi pris part à ces attaques et tué, lui-même, des personnes.
L’acte d'accusation retenu contre Musema fut modifié par la suite pour y inclure différents actes de viol qu’il aurait commis. Il aurait aussi ordonné et encouragé d’autres à violer et à tuer des femmes Tutsies.
Lors de sa plaidoirie, la Défense de Musema a particulièrement insisté sur son alibi apportant les preuves que pour certaines dates et heures en question, l'accusé se trouvait ailleurs. Dans certains cas, la Défense a aussi mis en cause la véracité des preuves et la fiabilité des témoins du Procureur.
Concernant certaines allégations, sur des attaques précises, la Chambre de première instance a trouvé que les preuves présentées n'étaient pas suffisantes ou que l'alibi de Musema mettait en doute les preuves présentées par le Procureur. La Chambre a trouvé qu'il avait participé aux attaques sur les collines de Gitwa, Rwirambo, Muyira et Mpura des derniers jours d'avril à la mi-mai. L'alibi présenté pour cette période a été rejeté. Musema a ordonné que l'entrée de la grotte, où 300 à 400 Tutsis avaient trouvé refuge, soit obstruée par du bois et que le feu y soit mis. Une seule personne a survécu à cette attaque. La Chambre a aussi trouvé que Musema avait violé une femme du nom de Nyaramusugi et, par son exemple, avait encouragé les autres à le faire.
À la question de savoir si ces actes ont été commis dans l'intention de commettre le génocide, la Chambre a trouvé que le contexte dans lequel se sont déroulés les faits, les slogans anti-Tutsis et autres déclarations humiliantes ont démontré que le dessein de Musema et des autres assaillants était de détruire les Tutsis.
La Chambre a donc conclu que Musema portait une responsabilité individuelle indéniable dans le génocide pour avoir, par ses ordres, sa présence et sa participation directe, aidé et encouragé le meurtre de membres du groupe ethnique Tutsi. Il porte aussi la responsabilité des actes commis par les employés de l'usine à thé qui étaient sous son autorité. Ces faits ont été à la base de la culpabilité de Musema pour crime contre l'humanité (extermination).
Étant donné qu'une personne ne peut être reconnue coupable de deux crimes en relation avec les mêmes faits lorsque l'un des crimes est moins important et se trouve contenu dans l'autre crime, Musema a été acquitté pour complicité dans le génocide, incitation à commettre le génocide et crime contre l'humanité (assassinats).
Les juges Aspegren et Pillay ont émis chacun une opinion séparée dans lesquelles ils sont en désaccord sur certains faits et fondements juridiques. Cependant, ils sont d'accord sur le verdict et la sentence.
Musema est né le 22 août 1949 à Rutare, Préfecture de Byumba, au Rwanda. Il a été arrêté en Suisse le 11 février 1995 et transféré à Arusha dans la nuit du 20 au 21 mai 1997. Ouvert le 21 janvier 1999 et terminé le 28 juin 1999, son procès a requis 39 jours d'audience durant lesquels 30 témoins ont été entendus, 182 pièces à conviction produites. Ce procès est le premier à avoir mis en application les changements intervenus dans le Règlement de procédure et de preuve en vue d'accélérer les procédures. Musema était assisté de maître Stephen Kay Q.C. du Barreau anglais et de maître Michail Wladimiroff du Barreau néerlandais.