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Allocution de M. Hassan B. Jallow Procureur du TPIR et du MTPI, devant le Conseil de sécurité de l’ONU

Monsieur le Président,

Excellences,

C’est pour moi un plaisir de prendre une nouvelle fois la parole devant vous afin de vous présenter les activités menées par le Bureau du Procureur du Tribunal pénal international pour le Rwanda et le Bureau du Procureur du Mécanisme pour les Tribunaux pénaux internationaux au cours des six derniers mois, de juillet à décembre 2014.

Le présent rapport fait suite à une série d’événements organisés par le TPIR dans le cadre du 20e anniversaire de sa création par le Conseil de sécurité le 8 novembre 1994. Mon bureau a ainsi accueilli un colloque des procureurs internationaux les 4 et 5 novembre 2014 qui a rassemblé les procureurs de différentes juridictions internationales et hybrides ainsi qu’une vingtaine de procureurs nationaux et les représentants de juridictions régionales, d’universités et d’organisations non gouvernementales. À l’approche de la fermeture des tribunaux ad hoc, le thème de ce colloque : « La poursuite des crimes internationaux par les juridictions nationales : enjeux et perspectives », n’était pas le fruit du hasard, mais le résultat de la transition que connaît actuellement la justice pénale internationale. Cette initiative s’inscrivait dans le cadre des efforts déployés par mon bureau et ceux d’autres procureurs internationaux tendant, d’une part, à partager avec les procureurs des juridictions nationales les enseignements tirés et les meilleures pratiques développées au cours des vingt dernières années et, d’autre part, à créer un espace de dialogue et de partage des bonnes pratiques entre les procureurs chargés de poursuivre les personnes présumées responsables de génocide, de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre sur le plan national.

Le thème du colloque consacrait le passage du principe de la primauté d’une juridiction sur les autres à celui de la complémentarité, évolution qui a été soulignée dans le cadre des cérémonies de commémoration par le représentant du Secrétaire général, M. Miguel Serpes de Soares, Secrétaire général adjoint aux affaires juridiques et Conseiller juridique de l’ONU, lors de son discours à la fin du colloque.

Nous sommes témoins de la volonté croissante des juridictions locales de poursuivre les auteurs de crimes internationaux. Cette évolution est la bienvenue dans la mesure où il est essentiel que les mécanismes de justice internationaux et locaux collaborent très étroitement pour faire avancer la lutte contre l’impunité. Dans le même temps, nous devons être conscients de l’ampleur des difficultés de la tâche à laquelle sont confrontées les juridictions locales. La collaboration étroite du Bureau du Procureur du TPIR et des autorités rwandaises en vue de créer les conditions nécessaires pour que les affaires renvoyées au Rwanda soient menées à bien, illustre à la fois les défis que peuvent avoir à relever les pays qui s’engagent dans la lutte contre l’impunité et les solutions que les juridictions nationales peuvent adopter pour y parvenir. Tandis que mon bureau s’efforce de partager avec les autorités nationales — particulièrement en Afrique de l’Est et dans la région des Grands Lacs — ses meilleures pratiques et les enseignements tirés dans des domaines aussi variés que les enquêtes et les poursuites en matière de violences sexuelles et de crimes sexospécifiques, la recherche des fugitifs et le renvoi d’affaires en vertu de l’article 11bis du Règlement, nous devons lutter contre les difficultés posées par les ressources et les effectifs limités du TPIR, à l’heure où la taille de celui-ci diminue en vue de sa fermeture, et par la composition, encore plus réduite, du Bureau du Procureur du Mécanisme. La communauté internationale doit par conséquent continuer à jouer un rôle moteur en veillant à ce que les juridictions nationales disposent des ressources humaines et matérielles nécessaires pour pouvoir mener à bien la mission ambitieuse que représente la poursuite des crimes internationaux. Les États et les organisations internationales devraient soutenir les initiatives nationales visant à aider les juridictions locales à acquérir les compétences, la formation et l’expertise requises ainsi qu’à créer le cadre législatif nécessaire à leurs fonctions.

Les procureurs et les autres participants au colloque ont adopté à l’unanimité une résolution dans laquelle ils soulignent l’importance de l’établissement des responsabilités pour les crimes internationaux, dans l’intérêt de la justice, de la paix, de la sécurité et du bien-être de l’humanité. La résolution souligne également le rôle que les États, individuellement ou collectivement, et la communauté internationale dans son ensemble peuvent jouer pour donner concrètement effet à la responsabilité de poursuivre les auteurs de ces crimes, qui est en premier lieu celle des États.

Monsieur le Président, Excellences,

BUREAU DU PROCUREUR DU TPIR

S’agissant des réalisations du Bureau du Procureur du TPIR, j’ai le plaisir de vous annoncer qu’elles ont été nombreuses au cours de la période considérée. La Chambre d’appel a rendu son arrêt dans plusieurs affaires mettant en cause les accusés suivants : Augustin Bizimungu, ancien chef d’état‑major de l’armée rwandaise (dont l’affaire avait été disjointe de l’affaire Militaire II ), Edouard Karemera et Matthieu Ngirumpatse, respectivement ancien Président et vice‑président du parti politique au pouvoir au Rwanda, le MRND, Callixte Nzabonimana, ancien Ministre de la jeunesse et Ildephonse Nizeyimana, ancien capitaine au sein de l’armée rwandaise. Les déclarations de culpabilité prononcées contre ces accusés, allant du génocide aux crimes de guerre et crimes contre l’humanité, tels que les viols en masse, ont été confirmées en appel. L’arrêt rendu dans l’affaire Karemera et consorts représente, tout comme celui rendu dans l’affaire Akayesu, une décision de justice historique pour l’établissement des responsabilités des auteurs de violences sexuelles et sexospécifiques en temps de guerre.

Dans l’affaire Butare (qui concerne six accusés), dernière affaire portée en appel devant le TPIR, le procès en appel devrait avoir lieu en mars 2015. Par conséquent, la Division des appels du Bureau du Procureur du TPIR, après avoir procédé à une évaluation des effectifs à maintenir en fonctions, a désormais identifié le nombre de fonctionnaires dont il aurait besoin au‑delà du 31 décembre 2014 afin de pouvoir mener à bien l’appel dans l’affaire Butare. Les fonctionnaires maintenus en poste continueront de traiter les nombreuses requêtes déposées dans le cadre de la procédure, d’effectuer la communication des pièces et de présenter les arguments de l’Accusation lors du procès en appel, et ce, dans l’attente du prononcé de l’arrêt provisoirement fixé au mois de septembre 2015. Ils continueront également d’aider le Bureau du Procureur du Mécanisme, notamment dans le cadre de ses activités liées aux archives et à la communication des pièces. Les autres membres du personnel de la Division des appels du Bureau du Procureur du TPIR ainsi que la plupart de ceux de la Section de l’information et des éléments de preuve du Bureau du Procureur et du Cabinet du Procureur, 16 personnes au total, soit 46 % des effectifs du Bureau, ont reçu un préavis les informant que leur contrat au TPIR prendrait fin le 31 décembre 2014. Je saisis cette occasion pour exprimer de nouveau ma gratitude à toutes ces personnes, sur le point de nous quitter, pour le travail qu’elles ont accompli au sein du Bureau du Procureur et du TPIR, contribuant par la même à la lutte pour la justice et l’établissement des responsabilités.

Le personnel du TPIR continue d’archiver les dossiers du Bureau du Procureur du TPIR — 70 500 ont déjà été examinés et classifiés — afin de faciliter leur transfert au Mécanisme. Ce travail se poursuivra jusqu’à ce que tous les dossiers soient finalisés et correctement transmis au Mécanisme.

Bureau du Procureur du Mécanisme

Tandis que le Bureau du Procureur du TPIR met progressivement un terme à ses activités, conformément à la Stratégie d’achèvement des travaux du TPIR, la charge de travail de celui du Mécanisme a proportionnellement augmenté au cours de la période considérée. Le Bureau du Procureur du Mécanisme continue de s’acquitter des activités prévues par le Statut du Mécanisme et peut désormais compter sur des équipes au complet tant à la Division de La Haye qu’à celle d’Arusha.

Plus récemment, outre l’assistant spécial du Procureur, un enquêteur P‑4 a également été recruté à l’antenne de Kigali de la Division d’Arusha afin de renforcer les efforts déployés pour rechercher les fugitifs, notamment ceux qui devraient être jugés par le Mécanisme, à savoir Augustin Bizimana, Felicien Kabuga et Protais Mpiranya. Les dossiers de ces trois fugitifs continuent d’être préparés en vue du procès en cas d’arrestation. Des démarches diplomatiques et des efforts de sensibilisation rigoureux ont été entrepris par le Bureau du Procureur du Mécanisme, en collaboration avec INTERPOL, l’Organe National de Poursuite Judiciaire du Rwanda et le programme War Crimes Rewards du Bureau de la justice pénale internationale du Département d’État américain, qui se sont traduits par le lancement à Kigali, en juillet 2014, d’une nouvelle campagne destinée à diffuser des informations sur les fugitifs, à offrir des primes pour leur arrestation et à encourager un plus large public à rendre compte de leurs activités et de leurs déplacements.

L’arrestation et le procès de ces fugitifs restent une priorité essentielle et le plus grand défi du Mécanisme et de la communauté internationale. À cet égard, je me réjouis du soutien récemment apporté par le Conseil de sécurité qui, lors des cérémonies du 20e anniversaire du TPIR, a exhorté tous les États à coopérer à l’arrestation des fugitifs.

Le procès en appel dans l’affaire Ngirabatware — la seule affaire actuellement portée en appel devant la Division d’Arusha — s’est tenu le 30 juin 2014. L’arrêt devrait être rendu le 18 décembre 2014 et l’équipe de l’Accusation spécifiquement chargée de l’appel sera dissoute le 31 janvier 2015. En raison du retard pris dans le prononcé du jugement dans l’affaire Vojislav Šešelj dont est saisie le TPIY, le recrutement en vue de constituer l’équipe spécifiquement chargée de la préparation de l’appel a été suspendu. La Division de La Haye commencera à pourvoir les postes pour les équipes chargées spécifiquement des appels susceptibles d’être interjetés dans les affaires mettant en cause Vojislav Šešelj, Goran Hadžić, Ratko Mladić et Radovan Karadžić, l’année prochaine.

En septembre, j’ai effectué ma première visite officielle en tant que Procureur du Mécanisme dans les pays de l’ex‑Yougoslavie, en Bosnie‑Herzégovine, Croatie et Serbie, où j’ai rencontré de hauts responsables gouvernementaux, des représentants d’organisations internationales ainsi que des diplomates des trois pays. Nous avons discuté du transfert des fonctions du TPIY au Mécanisme et de la coopération entre les États concernés et le Mécanisme. J’ai ainsi signé un mémorandum d’accord avec les procureurs généraux de ces trois pays, qui servira de cadre à l’entraide mutuelle constante. J’ai terminé ma visite en rendant hommage, dans trois lieux de commémoration en Bosnie‑Herzégovine, aux victimes de la guerre serbes, croates et musulmanes de Bosnie. Mon bureau continuera de s’employer activement à aider ces pays à répondre aux attentes de la communauté internationale qui compte sur eux pour traduire en justice les nombreuses personnes qui, à tous les niveaux, sont responsables des crimes de guerre commis pendant les conflits en ex‑Yougoslavie.

Le Bureau du Procureur du Mécanisme continue d’assumer ses autres responsabilités, à savoir, entre autres, le traitement des demandes d’assistance émanant de l’étranger, l’archivage des éléments de preuve et des dossiers, le suivi des affaires renvoyées aux juridictions nationales en vertu de l’article 11bis du Règlement, la promulgation de règlements et de lignes directrices visant à l’aider à s’acquitter efficacement de son mandat et enfin le transfert d’autres fonctions du Bureau du Procureur du TPIR et du TPIY à celui du Mécanisme avec l’aide, si nécessaire, de membres du personnel travaillant également pour le TPIR ou le TPIY. Au cours de la période considérée, mon bureau a répondu à un total de 178 demandes émanant de 13 pays et organisations internationales, soit une augmentation de près de 250 % par rapport à la dernière période examinée, qui s’est terminée en juin 2014. Il a par ailleurs présenté aux Chambres 17 demandes de modification de mesures de protection accordées à des témoins pour les besoins de poursuites engagées devant des juridictions nationales. Je reçois toujours régulièrement les rapports de suivi des observateurs des affaires renvoyées au Rwanda et en France, affaires qui continuent de progresser de manière satisfaisante devant les juridictions nationales concernées.

Monsieur le Président, Excellences,

Pour terminer, je souhaite remercier les membres du Conseil de sécurité, le Secrétaire général et le Secrétariat de l’ONU pour le soutien sans faille qu’ils ont apporté au TPIR au cours de ses vingt années d’existence. Vous avez grandement œuvré à la justice, la paix et la réconciliation au sein du peuple rwandais.

Je vous remercie pour votre attention.

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